A bit of law
Peut-on sortir du cadre fixé par un tribunal s'agissant du droit de visite ? Plus exactement, peut-on se le faire reprocher?

Dans un arrêt particulièrement intéressant du 1er avril 2025, sous la référence TF 5A_878/2024, le Tribunal fédéral s'est vu poser la question par la situation de deux femmes précédemment liées par un partenariat enregistré et mères de deux enfants, séparées en 2019.
Seule l'une d'elles dispose d'un lien de filiation juridique avec les enfants. La demande conjointe d'adoption avait été refusée en 2022, les deux femmes ne vivant plus ensemble au moment où elle l'avait présentée — situation cruelle si elle en est, puisqu’elles n’auraient pas pu la présenter auparavant au vu de la teneur de la loi jusque-là. L'autre mère est donc considérée comme une parent visiteuse, voire pas du tout comme une parent au sens juridique du terme.
Elle détient, par renvoi de divers articles, le droit de pratiquer des relations personnelles appropriées avec les enfants en fonction des circonstances.
Dans cette affaire, en 2019, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du canton de Genève a conféré à cette parent visiteuse un droit de visite à quinzaine, à savoir du vendredi à la sortie de l'école au dimanche à 18h, ainsi qu'une nuit par semaine.
Les deux femmes sont en guerre ouverte, selon l'arrêt du Tribunal fédéral. La première instance, comme le tribunal cantonal, ont notamment reproché à la mère de s'être éloignée du droit de visite fixé en premier lieu.
Cette mention est particulièrement interpellante. En effet, et de jurisprudence constante, le droit de visite fixé par des tribunaux s'entend comme un droit minimal aux relations personnelles. Rien n'empêche, usuellement, un parent gardien et un parent visiteur de s'entendre sur des modalités plus étendues pour le droit de visite. C'est considéré de manière générale comme étant dans l’intérêt de l’enfant.
Or, les termes du tribunal cantonal sont éloquents, puisqu’il accuse la mère visiteuse de n’avoir « *pas respecté* » ces modalités, en organisant une prise en charge alternée. Elle s’est plainte au Tribunal fédéral, à notre sens à juste titre.
Le Tribunal fédéral admet, sur le principe, que l’on ne peut pas interdire aux parents de s’entendre entre eux, et fort heureusement d’ailleurs. Il contourne l’obstacle en expliquant que l’intervention de l’autorité était nécessaire dans le cas présent, en raison de la virulence du conflit entre les parents, et que la prise en charge alternée n’était pas en soi adéquate pour eux.
En d’autres termes, le Tribunal fédéral admet que le grief posé par le tribunal cantonal n’est clairement pas adéquat, mais que la solution qu’il a trouvée paraît totalement juste dans l’intérêt des enfants.
C’est un rare cas démontrant que les parents peuvent effectivement s’éloigner du droit aux relations personnelles fixé de manière générale par les tribunaux de première instance, mais que ceux-ci peuvent, dans une lecture malheureuse du droit, avoir tendance à leur reprocher de s’en être éloignés.
De manière générale, s’éloigner d’un droit aux relations personnelles fixé par une autorité est parfaitement possible si les deux parents s’entendent. La formule usuelle en la matière est d’ailleurs « *sauf meilleure entente* ».
Cela étant, et dans certaines circonstances particulières, il ne faudrait pas s’en éloigner sans l’intervention de l’autorité.
De telles circonstances particulières sont notamment présentes lorsqu’un des parents, et en particulier le parent visiteur, fait l’objet d’une investigation ou simplement de griefs d’ordre éducatif ou liés à sa capacité parentale.
Dans ces circonstances, s’éloigner fortement de relations personnelles arrêtées de manière restrictive à dessein par l’autorité peut être perçu, vis-à-vis du parent gardien, comme un aveu de l'absence de sérieux de ses griefs, voire, si ces griefs sont parfaitement avérés, problématique au vu de ses compétences parentales.
Par exemple, un parent consommateur qui se verrait octroyer un droit de visite restreint à la journée, et qui ne serait pas lui-même respecté par le parent gardien qui le laisserait prendre les enfants le week-end entier, y compris la nuit, pourrait être vu de manière particulièrement critique par une autorité.
De plus, c’est lorsque l’autorité limite intentionnellement les relations personnelles en fonction d’un conflit. Elle donne une instruction générale aux parents, comme elle en a d’ailleurs le droit selon les articles 307 et suivants du Code civil, et cette instruction se doit d’être suivie, sauf à démontrer des lacunes dans les capacités parentales.
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